Nadine TARBOURIECH
VISWANADHAN, SON ŒUVRE PICTURALE, CINÉMATOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE

L’expert :

Nadine Tarbouriech est la rédactrice du Catalogue Raisonné de l’Œuvre de Viswanadhan, actuellement en préparation, dans les catégories VISWANADHAN – Peinture, Cinéma, Photographie et Littérature.

Elle rencontre l’artiste en 2001 grâce à Adoor Gopalakrishnan, cinéaste indien renommé, et directeur de la photographie sur les films de Viswanadhan entre 1976 et 1985.

Formée dès son plus jeune âge au dessin et à la peinture par l’artiste Pierre Raffi, elle s’oriente ensuite vers le cinéma. Chef-monteuse, elle conçoit à 24 ans la bande sonore du film Les Deux Fragonard de Philippe Le Guay, monte les films des critiques des Cahiers du Cinéma (Hervé Le Roux, Jean-Pierre Limosin, etc..) ainsi que plusieurs longs métrages et documentaires, notamment pour la Réunion des Musées Nationaux.

Engagée dans le monde du cinéma, elle co-dirige des ateliers de montage avec Alain Bergala, participe à des commissions d’attribution d’aides du Centre National du Cinéma et siège en tant que jurée dans des festivals internationaux. En 2000, elle part en Inde comme correspondante du Festival de Cannes, et également comme missionnée par le Ministère des Affaires Étrangères pour un rapport sur le cinéma indien. En 2003, elle est commissaire d’une rétrospective de cinéma indien au Centre Pompidou.

Peu à peu, elle revient à sa passion première, la peinture, et se consacre pleinement à son atelier. C’est à cette période que son lien avec l’œuvre de Viswanadhan se renforce. Impliquée dans les aspects administratifs et logistiques de ses ateliers de Paris et Chennai (Inde), elle devient une observatrice privilégiée de son travail, assistant librement à ses processus de création. Il lui arrive même de l’écouter lui lire un texte qu’il vient de rédiger pour un journal du Kerala, dans lequel il publie régulièrement.

Viswanadhan lui transmet également son savoir-faire en l’initiant à la technique de la caséine, qu’il pratique depuis 1982, lui permettant aujourd’hui de maîtriser la restauration de ses œuvres.

Depuis 2006, elle prend en charge l’organisation des expositions, le suivi des relations avec les institutions, collectionneurs et galeries, ainsi que la veille sur la commercialisation des œuvres aux enchères, garantissant leur authenticité et leur provenance.

Dotée d’un fond d’archives important, elle continue d’enrichir sa documentation à travers de nouveaux témoignages et documents, approfondissant ainsi sa connaissance des différentes périodes de l’Œuvre de Viswanadhan.

Portrait de Viswanadhan dans son atelier d’Ivry-sur-Seine – 2011 © photo Didier Gicquel / © archives Viswanadan, Paris.

L’artiste :

Né en 1940 dans l’État du Kerala, au sud-ouest de l’Inde, Viswanadhan étudie au College of Arts and Craft de Madras. En 1966, aux côtés de son professeur et directeur d’école, K.C.S. Paniker, il fonde le Cholamandal Artists’ Village, une communauté d’artistes située sur la côte sud de Madras.

L’année suivante, en 1967, ses œuvres sont présentées pour la première fois en France lors de la Biennale de Paris. En 1968, il s’installe à Paris et rejoint la Galerie de France, qui organise sa première exposition personnelle en 1970. L’année suivante, il remporte la palette d’or au Festival de la peinture de Cagnes-sur-Mer.

De 1980 à 2007, il est représenté par la galerie Darthea Speyer à Paris ainsi que par plusieurs galeries en Inde. En 1998, une rétrospective majeure de son travail est organisée dans les musées nationaux de New Delhi, Bombay, Calcutta et Madras.

Son influence dépasse le domaine de la peinture. En 2002, la manufacture des Gobelins crée une tapisserie à partir d’une de ses œuvres. En 2008, la Marlborough Gallery de New York consacre une rétrospective à son travail.

En 2025, un pavillon entier lui est dédié lors de la Sharjah Biennial 16 (SB16), mettant en lumière la profondeur et la singularité de son œuvre au sein de l’art contemporain international.

Viswanadhan est aussi cinéaste. Il réalise sa série de films intitulée « Les Cinq Éléments » (Sable, Eau/Ganga, Agni/feu, Air/ Vayù, Ether/ Aakash) conservée dans les collections du Centre Pompidou, et récompensée par de nombreux prix en festivals. Par ailleurs, ses écrits, rédigés dans sa langue natale, le malayalam*, font l’objet de la publication d’un recueil en Inde.

Aujourd’hui, il est représenté par la galerie Nathalie Obadia (Paris-Bruxelles), et ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques en France et à l’international.

Une Œuvre entre tradition et spiritualité :

Issu de la caste des Vishwakarmas, qui rassemble les architectes, peintres et sculpteurs traditionnels liés aux temples, Viswanadhan est initié dès son plus jeune âge par son père à l’art de la sculpture des idoles et à la création des mandalas ou kalamezhuthus, ces diagrammes rituels tracés au sol dans les cérémonies hindouistes et tantriques.

Son travail artistique puise dans ces réminiscences d’enfance, revisitant la géométrie et la couleur tout en cultivant un profond sens architectural. Plus de six décennies de pratique artistique, enrichies par un parcours cinématographique en quête des lieux, traditions et gestes immémoriaux de son pays natal, façonnent son esthétique.

Son œuvre évolue progressivement vers des jeux de transparences et de lumières, où les lignes en évanescence cèdent la place à une épure empreinte de spiritualité. Sa palette se concentre peu à peu autour du rouge et du noir, donnant naissance à une expression artistique d’une rare intensité.

* Langue dravidienne, le Malayalam est la langue officielle de l’état du Kerala et l’une des 22 langues officielles de l’Inde.

Viswanadhan, catalogue, galerie Nathalie Obadia (Paris-Bruxelles), 2025

Viswanadhan, catalogue, Marlborough Gallery New York, 2008

Viswanandhan early years, Delhi Art Gallery, New Delhi, India 2007