5 QUESTIONS à Brice Leibundgut, spécialiste des peintres franc-comtois
Originaire du Doubs, ingénieur de l’École centrale de Paris, Brice Leibundgut est un historien de la Franche-Comté dont il explore, raconte et analyse, à travers ses ouvrages, ses interventions et ses conférences, aussi bien la littérature – il est président de l’Association des Amis de Louis Pergaud –, l’industrie – il est le descendant d’une lignée de fabricants d’horlogerie – que l’Art.
Membre du Bureau de l’Association Robert Fernier, trésorier de la Société de l’Histoire de l’Art français, membre du conseil d’administration de l’Institut Gustave Courbet, Brice Leibundgut a rejoint l’UFE pour y représenter plus particulièrement trois peintres franc-comtois : Robert Fernier, Dagnan-Bouveret et Gustave Courtois.
– Comment définir votre domaine d’expertise ? Pourquoi le choix de ces trois artistes ?
Brice Leibundgut. Je me suis d’abord intéressé à Robert Fernier, qui a beaucoup représenté dans ses tableaux les montagnes du Haut-Doubs, ma région d’origine, mais aussi les traditions de ce terroir, avec une approche souvent ethnographique. J’ai ensuite étendu mon expertise aux deux maîtres de Robert Fernier, Gustave Courtois et Dagnan-Bouveret, qui furent des élèves de Jean-Léon Gérôme. Gérôme est un des deux peintres référents de Franche-Comté, avec Gustave Courbet que Robert Fernier connaissait parfaitement puisqu’il a établi le Catalogue Raisonné de Gustave Courbet, mais a aussi été à l’origine du musée Gustave Courbet d’Ornans.
– Quelles sont pour vous les qualités d’un bon expert ?
- B. L. Un bon expert doit avoir de solides bases documentaires. Il faut d’abord connaître les références de l’histoire de l’art pour l’artiste, les lieux, l’époque concernés. De plus, pour l’expertise d’un peintre, il est quasiment nécessaire d’entreprendre une démarche de constitution ou d’actualisation d’un catalogue raisonné. Mais aussi une démarche d’établissement d’une biographie de l’artiste ou a minima d’une chronologie détaillée. Il faut pouvoir situer une œuvre à la fois dans une trajectoire de peinture et dans un parcours de vie. Par ailleurs, un bon expert doit avoir construit sa propre démarche, certes en laissant place à l’intuition et à l’émotion, mais surtout à l’analyse systématique selon une grille de dépouillement. J’ajouterai qu’un bon expert doit avoir des doutes. Il capitalise sur ses erreurs qui lui permettent de renforcer sa connaissance de l’artiste.
– Quelle est la spécificité de l’expertise des peintres que vous avez choisis ?
- B. L. Les trois artistes dont je suis expert sont des peintres figuratifs qui ont exercé à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Il y a entre ces peintres une certaine unité géographique, un lien fort avec la Franche-Comté mais aussi une filiation. Robert Fernier a été l’élève de Courtois et de Dagnan-Bouveret. En outre, Robert Fernier a su fédérer un ensemble de confrères autour de lui : on parle parfois d’École des Annonciades, du nom du salon qu’ils ont créé dans la chapelle des Annonciades à Pontarlier. Ces trois peintres ont beaucoup travaillé durant une cinquantaine d’années chacun : ils avaient besoin de vivre de leur peinture et pour cela de se renouveler.
– Quelles sont les difficultés principales que vous rencontrez ?
- B. L.Une des principales est d’avoir accès à des archives. Pour Robert Fernier, les descendants conservent de nombreux documents et en ont déposé une partie aux Archives municipales de Pontarlier. Pour Dagnan-Bouveret, il existe un fonds très riche aux Archives départementales de la Haute-Saône. En revanche, très peu de documents sont disponibles concernant Gustave Courtois, si ce n’est dans le fonds Dagnan-Bouveret. Mais un corpus documentaire ne suffit pas. Il convient aussi d’ordonner les informations et de les rendre exploitables : c’est souvent en préparant des conférences ou des colloques que je progresse dans la connaissance de ces artistes et structure ma démarche.
– Qu’attendez-vous de l’UFE ?
- B. L. D’abord qu’elle nous offre des outils à partager : c’est déjà le cas avec, par exemple, le contrat d’assurance négocié pour les adhérents. Nous pourrions aussi réfléchir ensemble à des moyens techniques, par exemple des études comparatives sur les logiciels de gestion d’un Catalogue Raisonné. Au-delà, je souhaite que l’UFE soit un lieu de discussion – l’expert est parfois seul face à ses interrogations – et un lieu d’échanges de bonnes pratiques. La CEDEA, que l’UFE a rejointe, pourrait d’ailleurs permettre d’élargir ce cercle d’échanges.
Propos recueillis par le Bureau de l’UFE.